mardi 31 août 2010

Eldorado, de Laurent Gaudé



" "Un vieillard, pensa-t-il, voilà ce que je deviens. Et les jeunes gens que j'intercepte, eux, sont toujours plus forts. Ils ont dans leurs muscles la force et l'autorité de leurs vingt ans. Ils essaient de passer et réessaieront une fois, deux fois, trois fois s'il le faut." C'était cela, oui. Le gardien de la citadelle était fatigué tandis que les assaillants étaient sans cesse plus jeunes. Et ils étaient beaux de cette lumière que donne l'espoir au regard."


J'avais découvert Laurent Gaudé avec Le Soleil des Scorta, l'histoire de cette famille maudite des Pouilles, écrasée par le destin comme par la chaleur de cette terre aride et lourde de traditions.
Je le retrouve avec Eldorado, un roman ancré dans l'actualité. Celle de l'immigration illégale, mais toujours avec l'Italie en toile de fond, la chaleur écrasante, la présence de la mer, cette entité puissante, parfois menaçante et sauvage, d'autres fois amie et alliée. Laurent Gaudé y soulève la question de la frontière, celles entre les hommes, entre les cultures, entre les pays. L'Eldorado est derrière cette frontière, où "l'herbe sera grasse et les arbres chargés de fruits... Tout sera doux là-bas. Et la vie passera comme une caresse".

Entre récit politique et fable, Laurent Gaudé laisse toujours une part au conte, au lyrisme, fait de son récit une histoire intemporelle, la force des hommes comme constante. Eldorado, ce sont les destins croisés du commandant Salvatore Piracci, commandant d'une frégate italienne chargée d'intercepter les bateaux d'immigrants arrivant du large, de deux frères soudanais qui entreprennent la route cruelle et mythique vers l'eldorado, une jeune rescapée de ce voyage en enfer déterminée à en découdre avec les responsables de ces traversées barbares... L'eldorado ici c'est l'Europe, terre promise, qui pousse les hommes les plus démunis à entreprendre un voyage que peu réussissent. Des cargaisons humaines prêtes à tout pour une vie meilleure se lancent dans l'aventure. Au risque de tout perdre, au risque de se perdre.

On retrouve le talent de l'auteur pour retranscrire avec vérité et art, comme un tableau, le côté criant et vivant des choses, leurs odeurs, leur toucher, leur force, leur douceur. Ce livre n'est pas sans douleur et remise en question, on ne sort pas indemne de sa lecture. Mais les talents de conteur de Laurent Gaudé en font une lecture facile et entraînante, où le lecteur se laisse aussi bien porter par les mots que par la galerie de personnages aux histoires fragiles et profondes.

Eldorado, de Laurent Gaudé, éd Actes Sud, 2006

2 commentaires:

  1. Il est sur la liste depuis si longtemps celui-là, je pense que je devrais lui faire faire un bon dans la PAL!!!

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  2. J'ai bien aimé, mais moins que Le soleil des Scorta. Malgré la force du thème abordé, je dois dire que je ne garde pas de grand souvenir de cette lecture sympa, mais sans plus.

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