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mercredi 25 août 2010

L'attrape-coeurs, de J.D.Salinger



"Elle s'est mise à danser un boogie-woogie avec moi mais pas ringard, tout en souplesse. Elle était vraiment douée. Je la touchais et ça suffisait. Et quand elle tournait sur elle-même, elle tortillait du cul si joliment. J'en restais estomaqué. Sans blague. Quand on est allés se rasseoir j'étais à moitié amoureux d'elle. Les filles c'est comme ça, même si elles sont plutôt moches, même si elles sont plutôt connes, chaque fois qu'elles font quelque chose de chouette on tombe à moitié amoureux d'elles et alors on sait plus où on en est. Les filles. Bordel. Elles peuvent vous rendre dingue. Comme rien. Vraiment."


Lire L'attrape-coeurs n'était pas chose gagnée. Non pas que ce livre ne m'attirait pas, loin de là. Mais l'attrape-coeur est un tel classique que j'étais absolument persuadée de l'avoir déjà lu. Persuadée. Bien m'a pris donc de jeter un oeil à la première page hier soir, à la recherche d'un court roman pour la soirée. Le style me percute dès la première phrase, et je sais à la fin de la première page que ce livre m'est inconnu. Oh joie ! C'est toujours un plaisir de pouvoir découvrir avec innocence un grand classique !

Et je fut conquise, entièrement. Pas une seule réserve, pas une once de déception, L'attrape-coeurs est un bijou de sensibilité, d'humour, de New-York, de circonvolutions d'adolescent.
Holden Caufield est l'anti-héros touchant et amusant de ce court roman, un ado désemparé qui se fait renvoyer de son école préparatoire, et qui erre dans les rues de New York avant le retour au bercail. Bars de nuit, rhum sodas, prostituées et rencontres en tous genres rythment ce récit dont la narration est un régal. Le mal-être adolescent, la difficulté à s'exprimer, à se trouver, les bravades inhérente à cet âge aux frontière de l'âge adulte font de ce roman un récit qui touche forcément le lecteur, et l'adolescence qu'il a quittée, parfois à regret, souvent avec difficulté... C'est ainsi qu'il se dégage du récit d'Holden Caufield une mélancolie particulière, une familiarité qui nous touche forcément.
Un seul regret : ne pas avoir lu L'attrape-coeurs à mes 16 ans.

L'attrape-coeurs, J.D. Salinger, éd Laffont, 1951

lundi 22 mars 2010

Les Aventures d'Olivier Twist, de Charles Dickens



"Comment va ta mère, hospiceux ? dit-il
- Elle est morte, répondit Olivier ; ne te mêle pas de me dire quoique ce soit sur elle !
(...)
- De quoi qu'elle est morte, hospiceux ? demanda Noé.
- D'un coeur brisé, à ce que m'ont dit certaines des vieilles infirmières, répondit Olivier, plutôt comme s'il se parlait à lui-même que s'il s'adressait à Noé. Je crois savoir ce que ce doit être de mourir de ça ! "


Si l'on aime les histoires d'injustice, de misère, de destin qui s'acharne et l'ironie malsaine, alors il y a de fortes chances d'apprécier Les Aventures d'Olivier Twist. Ce petit garçon, tout le monde le connaît. Né dans un faubourg sale de l'Angleterre du XIXème siècle, orphelin, élevé dans un hospice miséreux, affamé, battu, il s'enfuit pour rejoindre Londres où il rebondit de malheurs en malheurs, tout voué qu'il est à faire de mauvaises rencontres. Cependant, on se doute que l'arrivée de Monsieur Brownlow dans la vie de ce jeune héros lui apportera une fin plus heureuse.

Le ton du roman, loin d'être simplement misérabiliste, joue sur un style ironique et un recul narratif, au travers desquels le lecteur est pris en aparté par un Dickens qui s'amuse à dérouler les aventures du pauvre Olivier avec une jubilation malsaine. On a du mal au bout d'un moment à s'investir dans l'histoire, avec ces rebondissements à répétition et des personnages peu attachants. De plus, les relents d'antisémitisme et une conception très manichéenne des personnages gâchent un plaisir déjà diffus.

Le style a indéniablement vieilli, et lorsque l'on termine le livre, on ne peut s'empêcher de penser que Les Aventures d'Olivier Twist fait partie de ces classiques démodés.


Les aventures d'Olivier Twist, de Charles Dickens, 1839

mercredi 3 février 2010

La confusion des sentiments, de Stefan Zweig



"Quant à moi je ne pouvais pas bouger, j'étais comme frappé au coeur. Passionné et capable seulement de saisir les choses d'une manière passionnée, dans l'élan fougueux de tous mes sens, je venais pour la première fois de me sentir conquis par un maître, par un homme ; je venais de subir l'ascendant d'une puissance devant laquelle c'était un devoir absolu et une volupté de s'incliner."



Il est de ces titres de livres qui suscitent directement l'admiration. La confusion des sentiments. En trois mots, Stephan Zweig nous plonge sans détour dans le vif du sujet. Doutes, tourmente, souffrance, délectation, désir : la ronde capricieuse des sentiments est décrite dans ce court roman avec une précision, un réalisme et une sensibilité remarquables.

L'histoire est celle d'un vieux professeur, R. de V. qui au soir de sa vie revient sur sa jeunesse et la rencontre décisive qui bouleversa son existence. Celle qu'il eut tout jeune étudiant à l'université avec un professeur fascinant, son "maître", qui le plongea dans les affres de la création et de la connaissance. Cet homme érudit, passionné, excellent professeur, cache cependant un lourd secret. Le jeune R. de V. tente de le mettre à jour et ce faisant se confronte aux sentiments les plus conflictuels qui puissent être donnés à l'aube de sa vie d'homme.

Stephan Zweig a un réel talent pour décrypter avec méticulosité la naissance des sentiments, l'obsession, la vénération. Il sait effleurer avec finesse les tabous, les choses cachées, ces sentiments à peine ressentis qu'ils s'envolent et laissent seulement une trace derrière eux, telle la fumée qui trahit le feu qui brûle. On ne peut que saluer l'intelligence avec laquelle il traite d'un sujet réellement audacieux pour son époque. L'homosexualité est ainsi devinée en filigrane tout au long du livre, mais avec une profonde telle délicatesse et vérité.

On a cependant parfois des difficultés à comprendre les élans excessifs du jeune garçon, son attitude de jeune vierge énamourée, et on est souvent dérouté par les proportions que peuvent prendre ses réactions. Il y a peut être un décalage entre l'époque de l'histoire et celle du lecteur, qui fait que l'on a souvent du mal à réellement se sentir concerné par les affres du narrateur. Si pour certains l'absence de rationalisation dans les histoires de Zweig constitue son point fort, il est pour moi clairement une faiblesse dans ce récit.
Par ailleurs, on a souvent l'impression que la traduction trahit le lyrisme original des mots allemands pour former des phrases à rallonge. Le résultat quelque peu pompeux du passage de la langue allemande à la langue française n'est pas forcément des plus heureux.
Mais la fin du récit est plutôt magistrale dans son genre : le dénouement et toute la passion, le trouble et la souffrance qu'il porte est admirable. On y retrouve avec fébrilité les questions du poids de la société et de la morale, du regard des autres, et de la difficulté de vivre dans le secret.

Quant à l'histoire, elle met avec brio le doigt sur l'ambiguïté d'une relation entre hommes, s'interrogeant sur les pulsions, et l'ambivalence de la relation maître/élève. On frôle les hautes sphères de la création intellectuelle, celles dans lesquelles les esprits se retrouvent et où les corps sont frustrés de ne pouvoir connaître une telle fusion.

La confusion des sentiments, de Stefan Zweig, éd Le livre de poche, 1927