" La mesquinerie qui m'habite est aussi réelle qu'un organe. Si on me fendait le ventre, elle pourrait fort bien se glisser dehors, charnue et sombre, tomber par terre, et on pourrait sauter dessus à pieds joints.(...) Je n'étais pas une enfant aimable, et je suis devenue une adulte profondément mal aimable. Si on voulait dessiner mon âme, on obtiendrait un gribouillis avec des crocs pointus."
Ce ne sont ni le titre, ni l'auteure, ni même la critique dithyrambique qu'en a faite Stephen King qui m'ont poussées vers Les lieux sombres. Non, c'est la maison d'édition, Sonatines, chaudement recommandée par ma libraire favorite. Une maison qui selon elle est "presque toujours un gage de qualité". Soit. Message reçu, je suis donc repartie avec ce polar de plus de quatre-cents pages dans mon panier. Et après quelques pages, la première surprise : ce roman noir est bel et bien bien écrit. Une narration à la première personne, assez rare et très appréciable dans ce genre (cela nous rappelle A vif de Suzanne Moore), plonge le lecteur au plus profond de la personnalité avide et torturée de son héroïne, Libby Day.
Cette dernière est la seule rescapée du massacre de sa famille, qui a eu lieu vingt-cinq ans plus tôt, alors qu'elle était âgée de sept ans. C'est suite à son témoignage que son grand frère Ben est inculpé et incarcéré pour le meurtre particulièrement violent aux accents satanistes de sa mère et de ses deux petites soeurs. Lorsqu'un quart de siècle plus tard les membres d'un club d'un genre étrange lui demandent de reconsidérer son témoignage en l'échange d'argent, elle n'hésite pas longtemps avant de remonter le fil de l'enquête, et de remettre en question ses certitudes. Le roman alterne alors les chapitres relatant le présent et l'enquête de Libby sur son passé, et les chapitres concentrés sur la veille du meurtre, le 3 janvier 1985.
L'auteure jongle très habilement entre les deux époques et les différents personnages qui en sont les protagonistes. Pas de manichéisme, de méchants contre les gentils ou d'intrigue cousue de fil blanc : les caractères sont très réalistes, chacun ayant ses petits vices et gros défauts, sa part d'ombre et ses élans d'humanité. Tous participent à une réflexion sombre et pertinente sur la manipulation et la faiblesse : ce qu'elles nous poussent à faire, à croire, à dissimuler.
Gillian Flynn tisse la toile de son polar avec un rythme certain, un vrai talent pour disséminer les indices et les informations, et au final on ne peut qu'applaudir le scénario. Pas d'aberration, pas d'évidences, pas d'alibis tirés par les cheveux : c'est aussi à cela que l'on reconnaît un bon thriller, quand les règles du jeu sont respectées intelligemment, sans grossièreté, avec élégance et efficacité.
Les lieux sombres, de Gillian Flynn, éd Sonatines, 2010
C'est, avec "seul le silence" de R.J.Ellory, le meilleur livre que j'ai lu cette année. Ton blog m'intéresse. Merci pour ton passage sur le mien.
RépondreSupprimerOui, j'ai beaucoup entendu parler de "seul le silence", j'attends l'occasion de le lire !
RépondreSupprimermoi qui cherchais un "vrai" roman noir... j'vais ptetre me laisser tenter
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