dimanche 18 avril 2010

Un très grand amour, de Franz-Olivier Giesbert



"De même que nous marchons sur le terreau pourrissant de nos ancêtres, nous piétinons allègrement nos passions éteintes que nous entassons les unes sur les autres. Le très grand amour est éphémère mais les ruines sont éternelles."



Qui dit très grand amour, dit forcément très grande douleur, très grande remise en question et très belle introspection. L'histoire d'Antoine, écrivain "sans livre" sur le déclin, mondain parisien déchu, séducteur, enchaînant les femmes et les maîtresses, pourrait pourtant sembler bien ennuyeuse au premier abord. Ces thématiques ne sont pas rares. mais dans "Un très grand amour", l'homme se met à nu face à la femme clef de son existence. Celle qui est l'élément perturbateur d'une mécanique ennuyeuse bien huilée, celle qui provoque le coup de foudre qui va le faire revivre avant de le faire mourir pour une énième fois. Le narrateur Antoine a trop de points en commun avec son auteur Franz-Olivier Giesbert pour ne pas deviner à quel point ce roman a une part autobiographique. Si le lecteur a envie d'être touché par l'éclairage sans complaisance sur un personnage souvent méprisable, l'histoire manque cependant trop de profondeur pour que l'on puisse compatir avec les malheurs d'Antoine.

Antoine, cet homme qui aime les femmes, les enfants, la nature, les livres, tout, tout le monde, ou presque. Il est un grand dépendant des autres, et sème son amour comme il distribue sa semence, généreusement, avidement.

Le roman revient sur le très grand amour que vit Antoine avec Isabella, un amour trop grand, trop éloigné des réalités, avec cette femme, phobique chronique qui préfère se couper du monde et de ce qui l'effraie quitte à se contenter d'une "vie étriquée" plutôt que de prendre des risques. Une phobie qui se développe d'autant plus face au cancer de la prostate d'Antoine.

On peut regretter certains dialogues qui pèchent par manque de rythme et de réalisme, et des répliques qui tombent à plat. Mais elles sont rattrapées par un sens de la formule facile, qui apportent comme une ponctuation au texte : "J'ai toujours eu du mal à aimer les gens qui me détestent", "elle était nue dans son regard", "les romans sont des histoires vraies racontées par des menteurs". Mais FOG a une tendance agaçante qui nous rappelle Beigbeder : il utilise son livre comme un recueil de citations à tout va, une méthode qui pousse à se demander si ces écrivains qui citent leurs pairs ne sont pas trop conscients de leurs limites pour oser aller se frotter à eux ou s'ils ne sont pas tout simplement en manque d'inspiration. On ne sait quelle version préférer.

Reste que le texte en soit n'est pas désagréable à lire malgré quelques formules un peu trop lyriques, ou clichées. Il porte un optimisme doux-amer, et nous montre malgré tout comment un très grand amour peut déboucher sur un vrai amour. Ou comment l'amour a mille facette et une vie entière de séducteur acharné est à peine suffisante pour toutes les explorer.

Un très grand amour, de Franz-Olivier Giesbert, éd Gallimard, 2010

2 commentaires:

  1. Grâce à toi et à ton billet si approfondi, j'ai l'impression de mieux connaître le contenu de ce livre maintenant. J'avoue avoir une sorte de préjugé défavorable à l'égard de l'auteur que je supporte difficilement depuis le temps qu'il sabote les émissions culturelles dont il s'occupe! Je ne crois que difficilement à sa sincérité mais ton avis est posiitf, alors ça change tout ! Je le lirai donc peut-être à l'occasion!

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  2. Même préjugé négatif et même réserve quant à la sincérité de l'auteur... Il est difficile d'oublier que c'est FOG qui se cache derrière le texte, ce qui fait que l'on éprouve peu de sympathie pour Antoine et ses déboires ! Mais ce n'est pas déplaisant à lire, malgré un style qui pèche parfois de trop de vanité ou de fausse modestie, c'est selon...

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