mercredi 20 janvier 2010

Truismes, de Marie Darrieussecq



"De ma splendeur ancienne, tout ou presque avait disparu. La peau de mon dos était rouge, velue, et il y avait ces étranges taches grisâtres qui s'arrondissaient le long de l'échine. Mes cuisses si fermes et si bien galbées autrefois s'effondraient sous un amas de cellulite. Mon derrière était gros et lisse comme un énorme bourgeon. J'avais aussi de la cellulite sur le ventre, mais une drôle de cellulite, à la fois pendante et tendineuse. Et là, dans le miroir, j'ai vu ce que je ne voulais pas voir."


"Truisme n.m (angl. truism, de true, vrai). Vérité d'évidence, banale, sans portée."
Le titre ne nous dit pas grand chose de la suite de l'histoire, au mieux il nous égare, au pire il nous laisse supposer que l'on va assister à une fable qui va nous ouvrir les yeux sur des évidences, un cliché géant qui qui va nous révéler ce que nous savons déjà.
On apprend bien des choses dans ce livre. Mais Truismes est tout sauf banal, et loin d'être une "vérité tellement évidente qu'elle ne valait pas la peine d'être dite". Bien au contraire, tout y est récit et surprises. On y voit du dégoûtant, du drôle, de l'ironique, de l'absurde, du pornographique, le tout énoncé dans un style jubilatoire, violent, toujours énergique et rythmé.

L'histoire, tout le monde la connaît, n'oublions pas que Truismes, premier roman de Marie Darrieussecq, a été publié en 1996 et a connu un immense succès. Une jeune femme se transforme peu à peu en truie, faisant la description des métamorphoses qu'elle subit au quotidien. Il faut dire que dès le début elle n'est pas gâtée par la vie : pauvre, stupide, mal-aimée, et d'une immense naïveté, elle travaille dans une parfumerie qu'elle trouve "chic" et vend son corps à des hommes mais ne s'abaisserait pas à se faire payer pour ses "massages" pour autant. "Mes massages avaient le plus grand succès, je crois même que le directeur de la chaîne soupçonnait que je m'étais mise de ma propre initiative aux massages spéciaux, alors que normalement on laisse un peu de temps à la vendeuse avant de l'y inciter."

On ne peut qu'être impressionné face à ce premier roman, plein d'imagination, que l'on lit d'un seul trait, comme porté par l'élan de la narration. Marie Darrieussecq dissèque avec une écriture incisive et audacieuse le rapport au corps, avec des descriptions sensorielle qui atteignent parfois une véritable perfection dans le réalisme. "Je me suis allongée dans la flaque et j'ai étiré les pattes, ça m'a fait un bien fou aux articulations. Ensuite je me suis roulée plusieurs fois dedans, c'était délicieux, ça faisait du frais sur ma peau irritée et ça détendait tous mes muscles, ça me massait le dos et les hanches. Je me suis à moitié assoupie. J'étais toute parfumée à la boue et à l'humus (...)"
La métamorphose du corps, la relation entre animalité et humanité sont ici ambiguës. La narratrice, dans sa confondante naïveté, reprend en effet du poil de la bête au fur et à mesure des modifications de son corps : elle devient de plus en plus maîtresse d'elle-même jusqu'à se retourner violemment à la fin contre ceux qui ont abusé d'elle. Son statut de truie la force à réfléchir, même si, et c'est ce qui surprend le lecteur, elle accepte sans lutte véritable sa métamorphose, trop peu habituée à se révolter contre le mauvais sort.

Le style paillard, la candeur presque niaise de la narration, et les distorsions du réel vers des éléments quasi fantastiques créent un décalage tout à fait surprenant et entraînant entre l'absurde et le réalisme.
Avec Truismes, Marie Darrieusecq flirte avec la parodie, entre sa fable politique, ses élans de féminisme et la dénonciation d'une société résolument phalocrate, où la femme n'a pas la maîtrise de son corps et ramasse les miettes de sa dignité du bout de son groin...

Truismes, de Marie Darrieussecq, éd P.O.L, 1996

6 commentaires:

  1. Bonjour !
    Merci de ta visite sur MARQUE-PAGES... Si tu lis le comm d'Emmyne tu verras que la CONTRE-ENQUÊTE DUR LA MORT D'EMMA BOVARY peut autant combler des espoirs de lectures que les décevoir.
    Pour moi, c'est mitigé. J'en attendais plus ! Mais je n'ai pas été tenté d'abandonner non plus !
    Si tu lis de romen, voudrais-tu me faire part de tes impressions ?
    En tout cas, je vais prochainement aller me balader sur ton blog et n'oublierait pas de te laisser quelques commentaires.
    A très bientôt !

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  2. Bon ! on recommence, parce que les fautes, c'est pas trop ma tasse de thé !
    tenté"e" -> ça c'est fait
    de romen -> le roman
    n'oublierai -> sans "t", ni "s", ni même de "z"
    Désolée pour ce message illisible !

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  3. Merci :)

    Hum, ça sent le blog rempli de bons bouquins. Exactement ce qu'il me fallait, je suis à court en ce moment, je ne sais jamais quoi lire hihi.

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  4. Je n'ai encore jamais lu cette romancière! Ce n'est pourtant pas l'envie qui me manque! Je commencerai sans doute par celui-ci!

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  5. C'est rigolo j'allais faire un post sur le ce livre cette semaine, je l'ai fini il y a quelques jours... Par contre j'ai moyennement apprécié le livre. Il faut que je prenne le temps d'écrire dessus.
    Je suis ravie de découvrir ton blog :-)

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